Sortie en 1991, la Super NES a permis à Nintendo de retrouver la place de leader du marché des consoles, après s'en être fait déloger par Sega, dont la Megadrive s'était imposée comme un vrai produit de deuxième génération, surtout comparé à la vieillissante NES, dont Nintendo a tardé à assurer la relève. Le succès énorme en salles d'arcade de Street Fighter II n'y est pas pour rien, dans la mesure où il s'agit du premier jeu Super NES à avoir fait l'objet d'une grosse promotion. Tout comme la Game Boy, qui fut lancée en même temps que Tetris, la Super NES a donc profité du savoir faire de Nintendo en matière de marketing, surtout dans la mesure où, techniquement parlant, son combat contre le Megadrive était loin d'être gagné d'avance.
On l'oublie souvent, mais à la fin des années 80, la NES (ou Famicom au Japon) est la reine absolue des jeux vidéo. Un succès incroyable et inattendu qui éclipse presque totalement la concurrence de la Sega Master System, et envoie définitivement aux oubliettes les vieilles gloires d'Atari, Coleco et Mattel. Ce grand retour des consoles ne se fait pas aux dépends des micro-ordinateurs confortablement installés sur le marché. En fait, les consoles sont devenues, grâce à la politique commerciale de Nintendo, des produits bon marché, qui permettent de s'amuser pour un prix beaucoup moins élevé que les micros, sans prétendre les concurrencer en terme de puissance. Sega va pourtant frapper un grand coup en lançant la Megadrive. Le choix de son microprocesseur, à savoir le 68000 qu'on retrouve dans les micros leaders du marché (Atari ST, Amiga et Mac), indique clairement que les choses vont changer. Les jeux Megadrive, révolutionnaires, n'ont rien à envier à ceux qui tournent sur micro, voire en salle d'arcade.
Pendant ce temps, la NES, bénéficiant de plusieurs années de quasi-monopole et d'un parc de jeux gigantesques, poursuit sa carrière. Ses ventes faiblissent à peine après 5 ans de commercialisation, et Nintendo laisse sortir la Megadrive, beaucoup plus puissante et excitante, sans réagir. En fait, la compagnie est surtout occupée par le lancement de la Game Boy, qui semble bien partie pour dépasser les objectifs de vente les plus optimistes. C'est dans ce flou artistique que va naître le concept "Sega, c'est plus fort que toi". La puissance mise en avant pour faire oublier que la majorité des jeux à succès sortis dans les années 80 sont des licences Nintendo, et que la Megadrive n'a pas grand chose à se mettre sous la dent, en dehors des adaptations de jeux d'arcade Sega.
Les connaisseurs restent sur leurs gardes. Nul doute que devant ce succès, Nintendo va sortir une console 16-bits, et que l'on pourra s'éclater sur les Mario, Castlevania, Final Fantasy (à l'époque une pure franchise Nintendo) et autres Zelda en bénéficiant de graphismes et de son démentiels. Il faudra un an avant que Nintendo ne réponde aux attentes de ses fans. Comme souvent dans son histoire, la compagnie va tout faire pour masquer qu'elle n'était pas prête à temps pour contrer la concurrence. La Super Famicom est présentée comme un produit mûrement pensé et conçu, dont la puissance est largement supérieure à celle de la Megadrive. Bien que "Famicom" soit l'abréviation de Family Computer, cette nouvelle console n'a pas (comme son ancêtre) pour ambition d'être convertible en micro-ordinateur. Ce nom a été choisi pour garder une continuité dans la gamme Nintendo.
Sur le papier, c'est loin d'être évident. Même si les graphismes en 256x224 et 256 couleurs (sur 32768) font très bonne figure, ainsi que le son stéréo sur 8 canaux et les effets graphiques de zoom et rotation, le microprocesseur ne manque pas de choquer les analystes (comme dirait Jean-Pierre Gaillard). Il s'agit d'un 16-bits 65c816 cadencé à 3.6 Mhz, soit deux fois moins que celui de la Megadrive, alors que la puissance processeur est déjà devenue une valeur marketing indispensable. Ce handicap, la Super Nintendo le portera pendant toute sa carrière, obligeant les développeurs à rivaliser d'ingéniosité. Certes, le processeur de la SNES est épaulé par plusieurs co-processeurs, et au bout du compte il est possible de développer sur la machine des jeux à la fois rapides et très spectaculaires dans leurs graphismes, mais cela n'a pas empêché les développeurs de se plaindre. D'autre part la SNES, console résolument conçue pour les jeux en 2d a été confrontée dans la dernière partie de son parcours commercial à l'avènement du jeu 3d, qui s'est chargé de lui donner des allures de produit technologiquement dépassé. Elle est ainsi restée pendant plus de deux ans la seule réponse de Nintendo à la Playstation.
Revenons à ses débuts : Novembre 91, la console sort au Japon, et comme à l'habitude, le public arrive en masse, malgré le prix élevé de la machine (32.000 yens) et le fait qu'elle soit livrée sans jeux. Mais en son pays, Nintendo est plus qu'un prophète : une figure quasiment divine. La Super Famicom utilise le support cartouche pour ses jeux, et à l'époque personne ne pense encore à remettre en question la chose. Elle est équipée comme la NES de deux joypads à 8 boutons, et les deux jeux disponibles dès le premier jour sont Super Mario World, une valeur sûre, et F-Zero, excellent jeu qui met en valeur les effets graphiques le plus étonnants dont la SNES est capable. Les premières rumeurs qui circulent dans nos contrées sont plutôt négatives. La Super Famicom est décevante, les jeux sont les mêmes que ceux de la NES un peu relookés, et ne sauraient faire oublier les titres sortis sur micro puis adaptés sur Megadrive... De plus, et notamment dans le cas de Gradius 3 de Konami, on parle de ralentissements observés dans certains jeux durant les phases d'actions les plus mouvementées, phénomène plutôt nouveau pour une console.
Début 92, on trouve la Super Famicom en Europe, en import du Japon, sans l'accord de Nintendo. Elle est vendue à un prix exorbitant, près de 4000frs, ce qui ne va pas jouer en sa faveur. C'est du reste la dernière fois que Nintendo se fera piéger par ce type de commercialisation. En Août, la console est lancée aux USA sous le nom de Super NES. Surprise, la console a, dans sa version Américaine, un look complètement différent, plus agressif que la version Japonaise. Peu avant, en Avril 1992, la console est apparue officiellement en Europe, non pas avec le "look" américain comme certaines rumeurs ont prétendu, mais simplement son appellation européenne (Super Nintendo) apposée sur le boîtier japonais. Son prix officiel est beaucoup plus intéressant que celui des premiers imports, environ 1800f. Les trois versions de la console utilisent des cartouches différentes qui diffèrent sur leur forme où leur électronique (US et Euro diffèrent sur l'électronique, et Japon et US sur la forme). Heureusement, plusieurs modèles d'adaptateurs sont commercialisés, mais cette régionalisation se fera sentir lourdement sur les catalogues de titres importés officiellement ou non.
Pendant la première année de commercialisation à l'échelle planétaire, la SNES va s'introduire insidieusement dans les esprits. 300.000 consoles sont vendues au Japon la première semaine, certes, mais on est tout de même loin du succès flash prévu, en raison notamment d'un line-up de lancement très timide (pendant de longs mois Super Mario World, qui est devenu le jeu d'accompagnement de la console, et F-Zero resteront les seul jeu déterminants) et il faut toute la solidité de Nintendo (ainsi que les ventes énormes de ses autres produits) pour qu'elle continue à être soutenue.
Même si les contrats d'exclusivité que faisait auparavant signer Nintendo aux développeurs ne sont plus guère d'actualité, la plupart d'entre eux sortent des titres pour SNES qui, peu à peu, se constitue un parc de jeux intéressant. On voit arriver les habituels Gradius, Castlevania et consorts, qui donnent parfois lieu à des adaptations de grande qualité, mais les choses sérieuses vont commencer fin 92 avec la sortie de Street Figher.
Le jeu a connu un succès gigantesque en salles d'arcade, et la version SNES est une parfaite réussite, qui va très vite prendre la place de Super Mario World dans le bundle. Les ventes décollent, et on ne parle plus du prétendu manque de puissance de la console, d'autant plus que les développeurs la maîtrisent de mieux en mieux. L'apogée sera atteinte avec la série des Donkey Kong Country, titres phares visant à démontrer la puissance de la SNES et qui se sont vendus à des millions d'exemplaires, ainsi qu'avec Starfox et Yoshi's Island, deux jeux aux graphismes étonnants pour lesquels la console est épaulée par un co-processeur inclus dans la cartouche (le Super FX pour Starfox, et le Super FX 2 pour Yoshi's Island).
Dans les années qui suivent la sortie de SF2, des titres comme Mortal Kombat, Super Metroid, Mr Nutz, Aero the Acrobat, Aladdin, NBA Jam, Zelda-A Link to The Past, Lion King, Super Aleste ou Super Castlevania 4 vont venir compléter la ludothèque de la SNESpour en faire une console de premier plan une console de premier plan, qui finira par devancer la Megadrive, sans pour autant l'effacer, loin s'en faut . En 1998, la SNES est relookée et rebaptisée Super Famicon JR. (au Japon et aux USA seulement). Le nouveau boîtier est de taille réduite, mais sa forme est assez similaire à celle de la Super Nintendo Européenne, et des jeux sortiront sporadiquement jusqu'en 2000.
Au final, le bilan commercial de la console se chiffre environ à 20 millions de consoles et 46 millions de cartouches vendues. Les titres les plus en vue sont en majorité des jeux de plate-forme en 2d, style très populaire pour lequel la SNES semble avoir été spécifiquement étudiée (Super Mario World ayant fait office de mètre-étalon), auquel viennent s'ajouter un grand nombre de RPG (hélas rarement importés et traduits du Japonais) et des petites merveilles d'originalité comme Equinox ou Young Merlin (ce ne sont là que deux exemples).
Les adaptations de succès sur micro sont aussi de la partie, mais en général le résultat est décevant. Des titres comme Sim City, Ultima 7, Eye of the Beholder ou même Doom souffrent du manque d'ergonomie (et surtout de boutons) du joypad par rapport au clavier d'un ordinateur, alors pourtant qu'une souris existe, vendue avec le logiciel de dessin Mario Paint (des jeux comme Powermonger ou Mario&Wario l'utilisent également).
La SuperNES est restée importante sur le marché, ainsi que ses jeux, bien après la disparition totale de la Megadrive, et même alors que la Nintendo 64 était apparue. Elle est restée dans la mémoire de ceux qui en ont possédé une comme une excellente console, support d'une pléthore de grands jeux, et facilement transportable grâce au très bon design de son boîtier. On ne peut pas vraiment dire que la Nintendo 64 qui lui a succédé ait été aussi incontestablement réussie. Quant au fameux SNES Nintendo Disk, association Nintendo / Sony qui a mal tourné et a fini par aboutir à la sortie de la Playstation (voir articles sur l'histoire de Nintendo et sur la Playstation), il s'agit de la seule tentative d'utilisation du support CD-ROM qu'ait envisagé Nintendo. Au vu du flop de Sega dans ce domaine à la même époque (voir article sur la Megadrive), son abandon sur le moment est finalement assez logique. Le seul souci est qu'il a abouti à l'avènement de Sony sur le marché des consoles, et Nintendo, de leader, est devenu un outsider. |